"Le
héros est un être irrémédiablement centré."
EMERSON |
La voie initiatique est un retour au
centre, symbolise par le paradis terrestre ou se tient la tradition
primordiale. Avant d'aller plus loin, il faut préciser que la
compréhension du symbolisme du Graal se fait à différents
niveaux de lecture, exotérique, mésoterique et ésotérique.
La pensée du Moyen Age est une pensée analogico-symbolique
dans laquelle l'homme comprend les rapports entre les principes et les
lois ainsi qu'entre tous les règnes de la nature. L'homme en
tant que représentation microcosmique de 1'univers macrocosmique
participe activement a la continuité entre tous les plans. Aujourd'hui,
nous sommes dans une pensée inductive-déductive, où
seule 1'analyse des faits nous intéresse, nous coupant ainsi
de tout accès à la transcendance. Du global nous sommes
passés au particulier, et du spirituel au matériel. Ceci
pour dire que la relation incroyable ou extravagante des aventures du
Graal n'est pas due au hasard mais est bien le fait d'initiés,
pour ceux qui ont des oreilles pour entendre et des yeux pour voir.
Le Graal aurait été taillé par les anges dans une émeraude tombée du front de Lucifer lors de sa chute. Il fut confié à Adam dans le paradis, mais celui-ci le perdit après sa transgression, car il ne put 1'emporter hors du paradis. Récupéré par Seth, troisième fils d'Adam, il parvint par une transmission secrète à Jésus le jour de la Cène. C'est dans cette coupe que fut recueilli le sang de Jésus sur le calvaire. Elle fut confiée à Joseph d'Arimathie, disciple secret de Jésus, qui ensevelit aussi le corps de ce dernier. Le Graal aurait été ensuite transporté par Joseph d'Arimathie et Nicodème (représentants des pouvoirs temporel et spirituel) en Grande-Bretagne. Là, le dernier fils de Joseph d'Arimathie fonda avec la fille de Nascien (descendant du roi Salomon) la dynastie des rois pêcheurs, gardiens du Graal. C'est là que le roi Mordrain, beau-frère de Nascien, dévoré par 1'envie de contempler le Graal et n'étant point désigné pour le faire, voulut outrepasser 1'interdiction et fut cruellement frappé par un ange qui lui perça les deux cuisses de sa lance. Le roi Mordrain porta depuis ce temps le nom de "roi mehaigne" (c'est-à-dire blessé), sachant qu'il ne guérirait que lorsque viendrait le "meilleur chevalier du monde" et que, sitôt guéri, il pourrait enfin mourir. Telle est brièvement exposée l'histoire du Graal depuis son origine jusqu'au commencement des Temps Aventureux. Les religions dominantes ont toujours su s'approprier les cultes anciens pour asseoir leur autorité. Le Graal n'échappe pas à cette règle. Chez les peuples celto-nordiques, il existait déjà. Dans le Lebar gabala, le livre des conquêtes transmis par les bardes d'Irlande, il est dit que les "tuata de danann" (les dieux lumineux venus du Nord) apportèrent de leur contrée (Hyperborée) les quatre objets magiques : la pierre du sacre, qui crie lorsque le roi s'assied dessus (qui rappelle le siège périlleux), la lance de Lug, le chaudron d'immortalité (le Graal est aussi associé à une pierre), et l'épée Kaledwlch (appelée Excalibur). La tradition nous dit que Merlin (lien entre la civilisation celte et chrétienne) transmet son savoir à maître Blaise, un clerc plein de sagesse. La légende dit que saint Blaise sauva un cochon de la gueule d'un loup. Le cochon ou sanglier, un des deux animaux symboles des Celtes, représente le sacerdoce. Remarquons en passant que les Templiers vouaient un culte particulier à saint Blaise et que le loup en alchimie figure le Saturne des philosophes, c'est-à-dire le père des dieux, Chronos, principe de la tradition primordiale. Blaise, Blasios signifie en grec avoir "les pieds en dehors" rappelle Hephaïstos, le Dieu du feu et de la forge, et des cabires alchimistes. Arthur est l'ours celtique, 1'etoile polaire dans la constellation de la petite Ourse, symbole de la royauté. Cette contrée du Nord, siège de la tradition primordiale, est à la fois la terre du sanglier druidique et de l'ours de la royauté celtique. Voilà aussi pourquoi Arthur n'est pas un roi du temps des hommes, il est le roi du centre polaire. Il existe dans la queste un moment symbolisé par le pont de l'épée, constitué du tranchant d'une épée jetée au-dessus d'une eau sombre. Le héros, qui réussit à traverser sur ce tranchant et se blesse, fait le lien entre l'âge d'or et le monde des hommes. Il devra ressouder cette épée brisée, ensanglantée, qui évoque la rupture entre les hommes et les dieux, la chute des origines primordiales. C'est la l'essentiel de la queste. |