La Femme dans l'Eglise

Il est dit que Marie-Madeleine est arrivée en Palestine par la mer et s'est stabilisée en Provence où elle mourut. Son grand pouvoir provoque un étonnement, surtout parce qu'elle est rarement mentionnée dans le Nouveau Testament. Jusqu'à récemment, le personnage de Marie-Madeleine a été considéré par de nombreux exégètes chrétiens comme marginal dans l'histoire de Jésus. Mais actuellement il y a un net changement de la part des spécialistes. A part la Vierge Marie, Marie-Madeleine est l'unique femme mentionnée dans les quatre évangiles.
L'Eglise primitive reconnut sa vraie place dans la hiérarchie et lui concéda le titre d'Apostola Apostolarum (Apôtres des apôtres) ou plus explicitement premier apôtre. De nos jours, les spécialistes ont compris que les femmes avaient un rôle beaucoup plus important et actif dans le mouvement de Jésus durant sa vie et plus tard, que celui généralement admis par l'Eglise. Ce fut seulement quand l'Eglise devint une institution formalisée sous l'influence de Saint-Paul que le rôle de la femme devint réduit au minimum. En d'autres termes, bien que les femmes aient eu des rôles importants dans la vie des premiers chrétiens, Paul et ses adeptes avaient la conviction qu'au contraire les femmes auraient dû avoir moins d'importance et être confinées dans des rôles plus anodins. En lisant l'Evangile, on a l'impression que les disciples de Jésus étaient tous des hommes. Une seule référence, dans l'Evangile de Luc, cite des femmes qui travaillaient pour Jésus.
Marie-Madeleine assistait Jésus et les disciples hommes, mais elle était considérée comme servante dévote. Pourtant, les faits sont différents, les paroles originelles signifiaient : " Elle assistait avec ses biens ". Selon de nombreux savants, Marie-Madeleine était une femme riche qui se chargeait de l'entretien de Jésus et d'autres hommes. Dans les Evangiles Canoniques, chaque femme est identifiée en fonction de ses relations avec un homme (la femme de, la sœur de, etc.), sauf Marie-Madeleine.

Des documents, plus de quarante, découverts en 1945 à Nag Hammadi en Egypte, provenant des premiers textes chrétiens gnostiques, ont été condamnés comme étant hérétiques par l'Eglise primitive et pour cela systématiquement détruits, comme s'ils contenaient certains secrets dangereux pour l'église. Beaucoup de ces textes interdits proclament la prédominance de Marie-Madeleine, et ce n'est peut être pas par hasard que quatre Evangiles du Nouveau Testament l'ignorent alors que les écrits hérétiques soulignent son importance.
Marie-Madeleine a un rôle très important parce qu'elle est considérée comme apôtre des apôtres, et donc la seconde après Jésus. Selon l'Evangile de Marie-Madeleine, c'est elle qui rassembla les disciples après la crucifixion, les rassura et s'engagea à les convaincre à devenir des apôtres, ce qui ne devait pas être facile parce qu'elle ne devait pas seulement contrer le sexisme de son temps et de sa culture, mais elle devait aussi lutter contre un puissant antagoniste personnel : Pierre fondateur de l'Eglise catholique romaine. Pierre, comme l'affirment les Evangiles gnostiques, la haïssait et la craignait, même du vivant Jésus. Il pouvait seulement protester mais ne réussissait pas à limiter l'influence de Marie-Madeleine. Plusieurs textes évoquent des discussions passionnées entre Pierre et Marie-Madeleine, qui dans un autre Evangile gnostique le Pistis Sophia dit : " Pierre me rend insécure, j'ai peur de lui parce qu'il déteste la femme. " Dans l'Evangile de Thomas, toujours lié à l'Evangile gnostique, Pierre dit : " Laissez Marie s'en aller parce que les femmes ne sont pas dignes de vivre ".
Selon les descriptions que font les gnostiques de la relation entre Marie-Madeleine et Jésus, il apparaît que ce n'est pas une relation de maître à disciple. On les représente souvent proches, même sur des images. Par exemple, dans l'Evangile de Philippe nous lisons : " Christ l'aimait plus que tous les autres disciples et il l'embrassait souvent ". Les autres disciples étaient offensés et exprimaient leur désapprobation, disant : " Pourquoi l'aimes-tu plus que nous ? " Le sauveur répondit : " Pourquoi je ne vous aime pas comme je l'aime " ? Dans le même Evangile gnostique on lit une phrase en apparence inoffensive : " Il y en avait trois qui cheminaient toujours avec le Seigneur : Marie sa mère, sa sœur, et Marie-Madeleine qui est appelée sa compagne. Toutes trois s'appelaient Marie et la compagne du Sauveur est Marie-Madeleine". Aujourd'hui le terme compagnon signifie ami, mais la parole grecque originelle signifiait "partenaire " ou " partenaire sexuel. "
Il a été dit que les rabbins étaient habituellement mariés car un prédicateur célibataire aurait suscité de nombreuses critiques et cela aurait été mentionné dans les Evangiles. Si Jésus avait été célibataire et sans enfants dans une culture de dynastie, cela n'aurait pas seulement provoqué un bouleversement, mais on en aurait retrouvé des traces dans son enseignement. Dans la tradition hébraïque, le célibat était et est considéré comme une culpabilité. Jésus aurait été connu et critiqué pour son célibat, mais ces accusations n'ont jamais eu lieu, même de la part de ses plus féroces ennemis. La célébration de la vie monastique fut ajoutée plus tard et Paul, misogyne, admettait qu'" il est préférable d'être marié que brûlé ".

En France, le plus fameux écrit sur Marie-Madeleine est la légende aurea de Jacopo da Varazze (1250) où l'auteur la décrit comme étant illuminée et illuminatrice, ce qui est intéressant parce que ce sont des rôles qui lui sont assignés dans tous les textes gnostiques interdits. Elle était considérée soit comme illuminée, soit comme celle qui donne l'illumination, c'est-à-dire en tant qu'initiée et initiatrice. Les légendes racontent que Marie-Madeleine et d'autres personnes proches débarquèrent dans le lieu où aujourd'hui est situé le village des Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue. Il est intéressant de noter qu'Arles, ville la plus importante proche des Saintes-Maries de la Mer, fut un important centre du culte d'Isis.
Il est plausible qu'une femme riche comme Marie-Madeleine ait pu vraiment naviguer jusqu'à un lieu de culture florissante sur les côtes méditerranéennes. Mais le plus significatif c'était la nature de son rôle : " Marie-Madeleine était considérée comme prédicatrice et apôtre des apôtres". Comme nous l'avons vu, au Moyen Age il aurait été impensable de donner un tel rôle à une femme. Si la légende de Marie-Madeleine avait été inventée par des moines médiévaux, ils lui auraient difficilement donné le titre d'apôtre des apôtres. Cela signifie que l'histoire fondait ses sources sur des témoignages vécus. Les historiens sont d'accord sur le fait que le christianisme était bien enraciné en Provence au 1er siècle. A Marseille, nous avons découvert une des étranges vierges noires que nous savions être intimement liée à la tradition de Marie-Madeleine. Elles ne sont pas aimées par l'église. On trouve des vierges noires dans toute l'Europe et plus particulièrement en Pologne et en Angleterre. Mais 55 % d 'entre elles se trouvent en France. Cette statue rassemble beaucoup de dévôts, mais ils ne sont pas officiellement soutenus et reconnus par l'Eglise catholique.

Les vierges noires sont presque toutes en relation avec des lieux de cultes païens les plus anciens, et si la christianisation de tels lieux a été un phénomène courant en Europe, la couleur même de ces images suggère qu'elles représentent la continuité de l'adoration de divinités païennes qui s'est cachée dans le christianisme. Cela pourrait être la raison pour laquelle l'église la met de côté, bien que la dévotion qu'elle suscite rend presque impossible d'en supprimer le culte. Beaucoup de ces lieux furent associés à des divinités pré-chrétiennes comme Diane et Cybèle, qui ont été représentées noires durant toute la période où elles furent adorées. Une autre divinité qui, parfois, fut représentée noire, était Isis, dont le culte dura de l'ère Méditerranéenne jusqu'à l'ère chrétienne. Une des images les plus connues d'Isis représentait souvent la Mère et l'Enfant. Les chrétiens peuvent croire que les statues de Marie et l'enfant Jésus faisaient partie de leur iconographie, mais en réalité, elles existaient déjà dans le culte d'Isis.
Chaque déesse, même Isis, était conçue pour représenter toute l'expérience féminine, y compris celle de l'amour sexuel, au contraire de la Vierge Marie. L'église patriarcale cherche à détruire l'adoration pour cette déesse païenne, mais le désir qu'en avaient les fidèles représentait une menace pour l'église. Donc la Vierge Marie pouvait remplacer Isis. Mais il était difficile que l'asexuée Vierge Marie puisse se substituer à Isis. Le culte de Marie-Madeleine, comme celui de la vierge noire tant décrié par l'Eglise, pourrait cacher une plus ancienne et complète image de la femme. Les lieux où l'on trouve la vierge noire sont associés à d'anciennes localités païennes et aussi au culte de Marie-Madeleine.

Dans un extrait du Priorat de Sion "la Vierge Noire est Isis, son nom est Notre-Dame de Lumière ". En Provence est aussi vénéré un autre saint : Jean Baptiste. Durant notre voyage nous avons remarqué que dans les lieux où existait un culte envers Marie-Madeleine il y avait aussi de nombreuses églises dédiées à Jean-Baptiste. Les Templiers vénéraient particulièrement Jean-Baptiste.
A Béziers, chaque habitant resté en ville fut tué sans piété durant la Croisade contre les Albigeois. En 1209, 20 000 personnes furent tuées, dont seulement 200 étaient des hérétiques. Les légats du pape demandèrent aux croisés comment ils auraient pu distinguer les hérétiques du reste des citadins. Ils leur répondirent : " Tuez-les tous, Dieu saura les distinguer. " Il faut se souvenir qu'il était proposé aux habitants de sauver leurs biens en dénonçant les hérétiques. Mais ils restèrent fidèles et jurèrent de soutenir les Cathares.
A Béziers, les liens entre Marie-Madeleine et l'hérésie n'étaient pas un hasard et aident à comprendre les motivations de la Croisade contre les Albigeois. Comme l'écrit Pierre de Vaux-de-Cernat : " Béziers fut prise pendant la fête de Marie-Madeleine. Les hérétiques déclarèrent que Marie-Madeleine était la concubine de Jésus, c'est pourquoi ces chiens dégoûtants furent capturés et massacrés durant la fête de Marie-Madeleine qu'ils avaient déshonorée ".

Bien que cette idée puisse être étonnante pour l'église, elle ne devait certainement pas l'être pour la plus grande partie de la population qui avait soutenu les hérétiques jusqu'à leur mort. Mais comment ces habitants du Moyen Age pouvaient-ils cultiver de telles convictions alors que les évangiles gnostiques n'étaient pas encore connus ? Donc d'où venait cette tradition ? Les Cathares représentaient la religion dominante du Pays d'Oc et étaient donc considérés avec grand respect par la population. Tous les membres des familles nobles du Pays d'Oc étaient Cathares ou sympathisants. Le mouvement Cathare était, en réalité, la religion d'état du Pays d'Oc. Leur style de vie obéissait à l'enseignement de Jésus et accusait l'Eglise catholique de s'être trop éloignée de l'esprit originel du mouvement chrétien. Les Cathares professaient l'égalité entre les sexes, ils étaient végétariens, pacifistes et croyaient en la réincarnation. Ils vivaient dans la plus grande pauvreté et simplicité. On disait qu'ils refusaient le symbole de la croix et ne reconnaissaient pas l'autorité papale.


Dans les premiers temps de l'Eglise, les femmes exerçaient les fonctions de prêtresse et d'évêque et il existe un tableau représentant Théodora Episcopa, qui signifie Théodora l'évêque. Dans la culture hébraïque, le célibat était considéré comme une chose grave parce qu'il impliquait le refus de faire des enfants du peuple du Seigneur. S'abstenir de procréer était considéré comme un assassinat. C'est pourquoi il est étonnant que personne n'ait lancé ce type d'accusation contre Jésus. On pense que les noces de Cana furent les noces de Jésus parce qu'il offrait le vin, ainsi que la coutume l'exigeait de l'époux.
Dans les Evangiles gnostiques, Marie-Madeleine est représentée comme compagne de Jésus capable d'exercer sur lui une forte influence et donc irritant les disciples. Marie-Madeleine a été définie par Luc comme une pêcheresse, mais il semble difficile de croire qu'elle fut une prostituée parce qu'elle semblait plutôt une femme aisée.
En effet pour acheter le nard (l'huile pour oindre) il fallait un salaire équivalent à un an de travail. Il faut reconsidérer la signification de l'onction de Jésus, le terme Christ signifiant simplement "oint ".
Dans le Nouveau Testament, seules deux personnes ont célébré les rites importants dans la vie de Jésus : Jean-Baptiste qui le baptisa au début, et Marie-Madeleine qui l'oint à la fin. Jésus avait lui-même commenté cette onction : "En vérité je vous le dis, où que soit annoncé l'Evangile, on racontera aussi ses mémoires, ce qu'elle a fait ". Judas reprochait à Marie-Madeleine d'avoir utilisé une huile rare et coûteuse pour oindre Jésus alors que l'argent utilisé pouvait être remis aux pauvres. Jésus répondit " qu'il y aurait toujours des pauvres, tandis que lui ne serait pas longtemps encore sur la terre ". Outre le fait que cette phrase montre que Jésus n'était pas marxiste, elle démontre aussi que seuls lui et Marie-Madeleine comprenaient le sens de cette action. Les disciples masculins semblent ne pas avoir compris la signification du rituel et étaient hostiles aux actions de Marie-Madeleine. C'est à cette époque que Judas commit la trahison.

Dans le document de Montgomery, Marie-Madeleine, femme de Jésus, est décrite comme prêtresse d'un culte féminin. Si Marie-Madeleine était réellement une prêtresse, pourquoi oignait-elle Jésus et pourquoi lui permettait-il de le faire ? En effet, dans le rite païen, le roi sacré se faisait oindre par une prêtresse de grade élevé et donc l'union se faisait à travers l'acte sexuel. L'union sacrée était la principale fonction de la "prostitution du temple " : L'acte sexuel entre un homme et une prêtresse était le moyen de recevoir la gnose et de faire l'expérience du divin et dirigeait le rite de façon à ce que le rapport sexuel produise pour les deux des bénéfices physiques, spirituels et magiques. Personne ne pourrait être plus éloigné des positions de l'Eglise à propos de l'acte sexuel et à propos des femmes. Marie-Madeleine étant une prêtresse, le monde hébraïque patriarcal l'aurait inévitablement jugée comme pêcheresse. Dans les Evangiles gnostiques, Marie-Madeleine est identifiée comme Marie Lucifer porteuse de lumière, qui donna l'illumination à travers la sexualité sacrée. Il y a des liens entre la prostituée sacrée Sofia, la Vierge Noire, Marie-Madeleine et Isis.

Dans la tradition du mariage sacré, la prêtresse choisissait le moment de la mort de l'homme. En ce sens on pourrait considérer que l'onction du Christ était l'annonce que, pour Jésus, était arrivé le moment du sacrifice. Jésus affirmait que Marie-Madeleine aurait été élevée au-dessus des autres apôtres et aurait guidé le règne de la lumière. Pierre demanda un jour pourquoi Jésus embrassait toujours Marie-Madeleine sur la bouche. L'évangile de Philippe écrit que Marie-Madeleine était la partenaire sexuelle de Jésus et que l'union entre les époux est l'illumination. Les Evangiles gnostiques énumèrent cinq rites d'initiation ou sacrement : le baptême, l'onction chrismatique, l'eucharistie, la rédemption et la plus importante de toutes : la chambre nuptiale.
" Le chrisma est supérieur au baptême et le Christ est ainsi appelé à cause du Chrisma . Celui qui est oint possède tout. Il possède la résurrection, la lumière, la croix, l'esprit saint. Le père lui donne le chrisma dans la chambre nuptiale ". Philippe ajoute que non seulement Jésus mais tous les gnostiques, après l'onction, devenaient Christ. Dans l'évangile de Philippe on lit encore : " Vous comprenez quel est le grand pouvoir que possèdent les rapports sexuels non corrompus ". Peut-être que les 12 apôtres ne faisaient pas partie du cercle plus interne de Jésus. D'ailleurs, il est étrange qu'ils ne s'attendaient ni à la mort ni à la résurrection de Jésus.

(Extrait du livre "La révélation des Templiers" par Lynn Picknett et Clive Prince)


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